Ce n’est pas à la neige tombée lors des premiers jours d’avril qu’il faut se fier, mais nous sommes pourtant bien au printemps. Comme chaque année à cette période, la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (Cipel) s’est penchée sur les données scientifiques enregistrées dans les eaux du lac lors de la saison qui vient de s’achever. Et les conclusions ne sont guère réjouissantes. Voici désormais une décennie entière que le brassage complet des eaux n’a pas eu lieu.
Qu’est-ce que le brassage hivernal ?
En hiver, les conditions météorologiques sont les plus propices pour que les eaux à la surface et en profondeur se mélangent. En effet, l’écart de température entre les couches est au plus faible. Le froid et le vent favorisent le « brassage hivernal », explique la Cipel.
Les scientifiques mesurent la température et la concentration en oxygène à différentes profondeurs. La profondeur de brassage est estimée par la distance qui sépare « la couche de surface mélangée et la couche du fond qui ne s’est pas mélangée avec les eaux de surface. » En résumé : « Plus l’hiver est rigoureux, plus la profondeur de brassage se rapproche du fond du lac. » Mais depuis plusieurs années, les hivers rigoureux se font de plus en plus rares.
Quel est le niveau cette année ?
Cette année, la profondeur de brassage a été évaluée à 130 mètres. « Ce qui signifie que les eaux situées entre 130 m de profondeur et le fond du lac à 309 mètres, ne se sont pas mélangées avec les eaux de surface », ajoute la Cipel. La dernière fois que le brassage hivernal a atteint le fond du Léman était lors de l’hiver 2011/2012, il y a dix ans.
Qu’est-ce que cela signifie ?
Trop doux, l’hiver 2021/2022 n’a pas suffisamment refroidi les eaux en surface. En absence de brassage, la zone sous les 130 mètres jusqu’au fond du lac n’a pas reçu d’apport en oxygène. Avec les années, la concentration en oxygène dans les couches profondes diminue. Au plus profond, la température a également augmenté de 1,1ºC en 10 ans.
Quelles sont les conséquences ?
Ces conditions représentent « un risque d’asphyxie pour les organismes vivants en profondeur », souligne les spécialistes. Mais pour connaître l’influence exacte sur l’éclosion des œufs, par exemple, il faudrait davantage de mesures.
Une autre conséquence est toutefois à craindre. En dix ans sans brassage complet, du phosphore s’est accumulé au fond du lac. La prochaine fois que le processus se produira, ces sédiments remonteront à la surface, favorisant la prolifération d’algues, « ce qui pourrait nuire à la baignade et à l’alimentation en eau potable ».
Avec le risque de remontée de phosphore en cas de nouveau brassage des eaux du Léman, la Cipel sensibilise sur la nécessité de « continuer à diminuer nos apports ». Ces derniers proviennent « essentiellement des eaux usées domestiques ». Il faut ainsi poursuivre « les efforts effectués depuis plus de 50 ans dans le domaine de l’assainissement en maintenant de bons rendements d’épuration dans les stations d’épuration et en améliorant les réseaux d’assainissement ».