Le droit à l’avortement, malmené depuis longtemps
Que la loi de 1973, loi Roe v. Wade, dépénalisant l’avortement aux États-Unis, ait été fédérale, s’appliquant à tous les états, il n’empêche, depuis, nombre d’entre eux ont amendé progressivement cette loi. Notamment en abaissant le délai légal pour l’intervention ou imposant de plus en plus de contraintes ou même l’ont interdite. Au fil de ces cinquante années, les organisations anti-IVG puissantes et influentes ont ainsi de plus en plus pesé sur la politique et les décisions américaines.
« La décision de la Cour suprême n’est donc pas le premier coup porté au droit à l’avortement. Entre l’arrêt de 1973 et mai 2022, près de 1 400 lois s’attaquant à l’IVG ont été promulguées dans les différents états américains, révèle le Guttmacher Institute », détaille France Info sur le sujet.
Une fragilisation endurante
Une surprise cette révocation ? Sans doute pas tout à fait, mais un très sérieux retour en arrière pour la liberté des femmes à disposer de leur corps qui pourrait connaître de multiples échos et changements dans le monde entier.
Où encore une vingtaine de pays interdisent la pratique et où, bien des pays l’autorisant le permettent avec des conditions très restrictives. Où pour se faire avorter (clandestinement) nombre de femmes doivent rejoindre d’autres pays, doivent payer des sommes importantes ou plus durement, meurent dans des conditions scandaleuses.
Où aucun pays n’est indemne de polémiques, d’oppositions (voire de violences) politiques, idéologiques, religieuses sur cette question de l’avortement.
La fragilité semble donc clairement la caractéristique sociale, politique et législative de ce droit.
Et en France ?
Pour preuve, en France, la réaction en fin de semaine dernière, samedi 25 juin 2022, du groupe présidentiel à l’Assemblée nationale. Ce groupe de la République en marche, ou Renaissance, par la voix d’Aurore Bergé leur cheffe de file, a annoncé le dépôt d’une proposition de loi pour inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution.
Proposition faite à peu près dans le même temps par le groupe parlementaire de la NUPES.
Annonce de pure stratégie politicienne, ou plus sûrement d’une crainte persistante, réveillée par la décision américaine, de voir la loi Veil remise en question ? De voir revenir sur le devant de la scène les anti-IVG ? De voir les agressions, les humiliations, les violences contre les femmes (et les soignants) qui veulent se faire avorter ? De voir se multiplier les hôpitaux, cliniques, médecins qui refusent de pratiquer l’avortement ?
Pour Aurore Bergé : « Rien n’est impossible et les droits des femmes sont toujours des droits qui sont fragiles ». « C’est une garantie qu’on doit donner aux femmes. »
« Cela appelle aussi à ce que nous prenions en France des dispositions pour qu’on ne puisse pas avoir demain des revirements qui pourraient exister. C’est la raison pour laquelle, dès aujourd’hui, avec mon groupe, nous allons déposer une proposition de loi constitutionnelle pour inscrire le respect de l’IVG dans notre Constitution », a souligné la députée Renaissance.
Cette demande d’inscription dans la Constitution française a suscité des interrogations, des réactions. Le maire de Pau, François Bayrou, pas franchement d’accord avec la proposition, s’en est fait l’écho : « C’est quand même surprenant que ce soit ce qui se passe aux États-Unis (…) qui entraîne un certain nombre de réactions effervescentes dans la vie politique française ».
Quand d’autres ont soulevé les problèmes et les difficultés de procédure d’un changement de la Constitution. « La suite de la procédure dépend de la nature du texte étudié. S’il s’agit d’une proposition de loi constitutionnelle (c’est-à-dire d’origine parlementaire, comme celle annoncée par Aurore Bergé), elle devra être approuvée par référendum. Si le texte est un projet de loi constitutionnelle (c’est-à-dire à l’initiative du président de la République), le chef de l’État dispose de deux options : l’adoption par référendum, ou bien par trois cinquièmes des parlementaires (députés et sénateurs) réunis en Congrès à Versailles », informe France Info.
En 2018 et 2019, une telle proposition d’inscription du droit à l’avortement avait déjà été faite et avait été rejetée. En particulier par le groupe parlementaire LREM…
Dernière minute
Un juge de Louisiane, aux Etats-Unis, a demandé une suspension provisoire de la révocation du droit à l’avortement. Comme dans d’autres états américains où des procédures similaires ont été enclenchées : Utah, Floride, Ohio, Kentucky, Idaho, Mississipi. La bataille judiciaire s’annonce donc déjà âpre et faite pour durer.