Montréal-La Cluse : Montange, une aventure industrielle liée à l’eau

En 1847, son petit-fils Louis François Montange (1821-1909) s’installe comme tourneur.

Rapidement, il est reconnu pour son travail. Un article de l’Abeille du Bugey de 1853 précise que, lors de l’Exposition des Arts et Manufactures de Nantua, Messieurs Montange et Bouilloud de Montréal, ont envoyé à l’exposition des rouleaux et des battants (de métiers à tisser) admirablement exécutés.

En 1872, le fils de Louis François, Félix (1849-1934), loue un atelier de tournerie sur la Doye, entre Condamine-la-Doye et Maillat avec une quinzaine d’ouvriers.

Entre 1884 et 1896, Félix Montange achète le moulin banal au Comte de Douglas. Il y développe son entreprise aussi bien du côté scierie que de la tournerie. Il y a 2 roues à aubes : une pour la scierie (la plus en amont), l’autre pour la tournerie.

« Tout partait d’un seuil en amont sur le Lange qui déviait une partie de l’eau dans le canal qui desservait les deux grosses roues à palettes », rappelle l’un de ses descendants, Denis Montage.

Une double économie

Le long des cours d’eau du secteur, d’Arbent à La Combe du Val, des Neyrolles à Nantua, les ateliers des scieurs et tourneurs sont nombreux. « Pour la Doye aux Neyrolles, la carte de Cassini montre une foule de petites roues à aubes sur la rivière. Elles se touchent d’ailleurs toutes ! »

Le Haut-Bugey vit grâce à la force hydraulique, les matières locales (résineux pour la charpente, feuillus pour le bois de chauffage) et une population « laborieuse », comme l’indique le Préfet Bossi en 1808 dans son étude sur l’Ain.

L’usine produit de nombreux objets dont des pièces de métiers à tisser, divers manches d’outils et des manches de couteaux.

A la fin du XIXe siècle, l’entreprise Montange devient réputée pour la fabrication des volants en érable des premières BB Peugeot. « Ils étaient faits en 4 pièces courbées à la vapeur, puis assemblées à la main, collées et chevillées, avant d’être poncées et vernies. »

Vers 1910, la tournerie travaille aussi la corne. Parmi les petites pièces exécutées, il y a les fameux blaireaux en bois ou en corne qui font la renommée de la maison Montange. En 1968-1969, le frère de Denis Montange, Jean-Yves, alors étudiant à Paris, avait eu la joie de découvrir dans la vitrine de Lancel, place de l’Opéra, «  la gamme de tire-bouchons en cornes et les blaireaux de luxe de l’entreprise familiale  ».

Quand les Montange rayonnent dans le Haut-Bugey…

La réussite de Félix est telle qu’il va pousser ses fils à investir le territoire du Haut-Bugey.

Félix achète aux Montillet, propriétaire du château de Champdor, une propriété en bordure du lac de Nantua (à la sortie droite de La Cluse) pour établir l’un de ses fils Victor (1887-1971).

L’aîné, Louis (1877-1945), après avoir fait HEC, installe ses moulins sur la chute d’eau de l’Oignin à Nurieux. Marié à une fille Reffay des moulins de La Platière vers Thoirette, il crée un barrage sur l’Oignin à Intriat qui alimente une conduite forcée se jetant dans les gorges des Trablettes. Il fut maire de Nurieux pendant de nombreuses années. Le barrage et l’usine hydroélectrique seront rachetés en 1946 par EDF tandis que la société Stamp de Henry Massonnet rachète le moulin pour y fabriquer le fameux Tam-Tam.

Un autre des fils de Félix, Léon Camille (1882-1942), reprend la scierie-tournerie familiale avec ses deux roues à aubes à Montréal. En 1904, l’entreprise compte une trentaine d’ouvriers dont quelques femmes. Léon Camille remplace en 1915 les deux roues à aubes par deux turbines suisses Escher Wyss avec un alternateur.

Ses fils Eugène et Jacques abandonnent le bois pour les matières plastiques à partir de 1958, avant que l’entreprise ferme dans les années 1970.

Henri (1884-1963) s’installe à Saint-Germain-de-Joux sur la Semine. Son usine était prévue pour permettre notamment l’électrification de Lalleyriat. Puis, il reprend une scierie à Rumilly pour y faire des skis… en bois.

Une dynastie politique locale

Après Félix Montange, maire de Montréal de 1900 à 1908, son petit-fils, dénommé aussi Félix (1909-1987), est également maire de la commune de 1947 à 1959.

Entre les deux, l’un des fils du premier Félix, Léon Camille, siégea au conseil municipal de 1919 à 1929.

Plus près de nous, un autre Camille Montange (1943-2003), dit Mickey, fut lui aussi membre du conseil municipal jusqu’à son décès en 2003.

Félix Montange fait acheter par la commune à la famille du Vernay, des nobles propriétaires, la forêt qui porte leur nom en limite d’Apremont.