Port : un rocher de sinistre mémoire… au Molard

Les fourches patibulaires au Molard à Port.
Les fourches patibulaires au Molard à Port.

De 1240 (ou 1244) à 1248, Etienne II de Thoire-Villars (né en 1200) fait reconstruire le château à Brion. Le prieur Boniface de Savoie considère cette bâtisse comme une provocation et une menace. En effet, elle permet de contrôler les voies d’accès au monastère.

Le seigneur de Thoire-Villars prétend aussi avoir des droits de garde sur plusieurs villages appartenant à la Terre de Nantua : Echallon, Les Neyrolles, Lalleyriat, et Port. Et il affirme que le prieur n’a pas le droit de lever la dîme (impôt prélevé par l’Eglise, Ndlr) sur les habitants.

De surcroît, il veut empêcher les Nantuatiens de pêcher dans le bras du lac. Ainsi, tous les pêcheurs pris dans ce lieu sont pendus aux fourches patibulaires, érigées face à Nantua, sur la rive Nord du lac, par les hommes du seigneur de Thoire-Villars.

Une conciliation est donc menée par l’archevêque de Lyon Philippe 1er de Savoie pour trouver une solution d’apaisement. Le 22 octobre 1248, il rend sa décision : Etienne II garde son château, mais il est débouté de toutes ses autres demandes. Boniface de Savoie décide alors de faire fortifier Nantua. Les faits vont rapidement lui donner raison…

Béatrice la belliqueuse

En 1249, Etienne II meurt. Son épouse Béatrice de Faucigny (1210-1276) veut alors en découdre avec le prieur de Nantua. Elle fait pendre aux fourches patibulaires un pêcheur de Nantua qui était dans le bras du lac.

Choqués par un tel acte, les Nantuatiens le dépendent et le clouent sur la porte de la forteresse de Montréal, en signe de vengeance. Ils mettent aussi le feu à Martignat et son château.

Enfin, ils arrivent à capturer le fils de Béatrice et de feu Etienne II, Humbert III, qui chassaient dans les marais de Brion. Le gouverneur du château de Montréal Aimé du Balmey tente alors de libérer son maître mais il est battu et blessé.

Nantua attaqué

Les Montréalais décident d’attaquer Nantua par deux fronts : des habitants de Saint-Martin-du-Fresne attaquent par la porte Ouest, en passant par Chamoise, tandis que les hommes d’Aimé de Balmey chargent la porte Nord de la ville. Les Nantuatiens résistent jusqu’au moment où la porte Ouest est détruite par les flammes.

La porte Nord cèle aussi aux assauts. Le prieur capitule et rend le jeune Humbert. Un accord est signé en 1251 sous l’égide de Jean de Bourgogne : la limite entre les deux seigneuries est définitivement fixée au Molard de Port où sont les fourches patibulaires…

Repères historiques

Au XIIIe siècle, la Terre de Nantua est administrée par les prieurs de Nantua.

Protégé par la famille de Savoie, Nantua est entourée des possessions des Thoire-Villars.

Cherchant à obtenir le contrôle du prieuré de Nantua, les Thoire-Villars obtiennent du prieur de Nantua en 1287 un paréage leur permettant le contrôle de la rive gauche de la Valserine.

Les Thoire-Villars, une famille seigneuriale puissante

Eperon rocheux sur lequel fut érigé la forteresse de Montréal.
Eperon rocheux sur lequel fut érigé la forteresse de Montréal.

Cette Maison vient du château de Thoire, situé à proximité de Matafelon. Des titres destinés à l’église Saint-Pierre de Nantua mentionnent l’existence de Hugues de Thoire au XIe siècle.

Selon l’historien Samuel Guichenon, la puissance des Thoire se mesure par les hautes alliances contractées : avec les Villars, Bourgogne, Savoie, La Chambre, Clermont, Rossillon, Beaujeu, Coligny, Montagu, Chalon, Genève, Harcourt, Vienne, Luys, Baux et Poitiers.

Ainsi, Agnès de Villars apporte en dot en 1187 à Étienne de Thoire (1178-1235) tous ses biens. Aux terres du Bugey (entre autres Cerdon, Montréal, Arbent, Matafelon, Beauregard, Belvoir) des Thoire s’ajoutent une grande partie de la Bresse avec les terres dombistes des Villars qui comprenaient les seigneuries d’Ambérieux-en-Dombes, du Châtelard, de Trévoux et de Villars.

La Chambre des comptes des Thoire-Villars est située à Poncin et ils font battre monnaie à Trévoux.

Le château de Montréal

De 1244 à 1248, les Thoire-Villars construisent une forteresse sur un escarpement rocheux face au lac de Nantua. Son élévation lui donne son nom : Mons Regalis (Mont Royal) devenant par la suite Montréal.

En 1402, Humbert VII de Thoire-Villars vend ses terres au comte de Savoie Amédée VIII, tout en gardant l’usufruit sur ses seigneuries du Bugey et de la Bresse.

Cette famille est le « type même de la seigneurie qui s’est élevée au rang comtal sans en avoir le titre » pour le médiéviste Bernard Demotz.