L’arme est posée sur le bureau de la procureur. Son propriétaire, à la barre, ne semble pas vraiment réaliser. « J’ai fait une bêtise » reconnaît-il timidement devant le tribunal de Bonneville, lundi 28 novembre. Sa faute, c’est d’avoir, pendant une nuit de décembre 2021, tiré à l’arbalète sur un cerf qui passait à quelques mètres de son balcon. Il faut dire que ce grand gaillard n’aime pas les cervidés, leur reprochant d’arracher les clôtures, manger les pousses d’arbre et de faire des dégâts aux voitures quand ils ont la mauvaise idée de traverser la route. Alors cette nuit-là, quand il en voit un en se levant pour aller aux toilettes, son sang ne fait qu’un tour, il décide de l’abattre, « sans réfléchir ». Pendant son audition auprès des forces de l’ordre, il reconnaîtra avoir utilisé cette arme « parce que ça fait moins de bruit qu’une arme à feu ».
Le cerf touché en plein coeur
Pas de chance pour lui, l’arme est interdite, il n’avait pas d’assurance pour la chasse, il n’y avait pas de plan de chasse et les cerfs font l’objet d’un quota. L’homme étant détenteur d’un permis de chasse au moment des faits, il le sait bien. Et l’arbalète était dans un grenier, accessible par des escaliers. La juge s’étonne : « En montant l’escalier, vous auriez pu vous dire «Je vais juste aller me recoucher « ». Sauf que le chasseur considère que les quotas ne sont pas assez élevés et tire donc un carreau en direction de l’animal. Touché en plein cœur, celui-ci n’ira pas bien loin. Le prévenu sort pour vérifier que l’animal est mort et éventuellement le déplacer. Sauf qu’en plein mois de décembre, une épaisse couche de neige recouvre Vallorcine. Il décide alors de le laisser là et d’attendre le lendemain.
« Massacre gratuit »
Considérant avoir été dénoncé par « tous [ses] voisins adorés » – à qui il reproche d’ostraciser sa famille, originaire de l’extérieur du village – il voit ensuite des agents de l’Office Français de la Biodiversité, la police de l’environnement, l’interroger. Il explique d’ailleurs qu’un connaisseur de la chasse l’aurait félicité pour son tir propre, ne laissant pas à l’animal le temps de souffrir.
Un an après les faits, le Guillaume Tell en herbe explique avoir abandonné la pratique de la chasse. Il a revendu toutes ses armes à feu à son oncle et accepte volontiers de laisser la pièce à conviction, héritage de son père, être confisquée par la justice. Il ne veut plus entendre parler de ce loisir, échaudé par le comportement de ses voisins et des chasseurs de la commune explique-t-il.
Son avocate plaidera la clémence, mettant en avant ses regrets et le fait qu’il est complètement inconnu de la justice. La procureur, au contraire, qualifie l’acte de « massacre gratuit » et réclame des amendes.
Une peine équilibrée
La juge ayant pris en compte les demandes de toutes les parties, elle a reconnu le chasseur coupable de quatre infractions. Pour la chasse sans assurance, il a écopé de 300 euros d’amende plus 150 euros pour abonder le fonds de garantie des assurances.
Pour les trois autres infractions, à savoir l’absence de plan de chasse, l’utilisation d’une arme prohibée et la chasse de nuit, il écope de 500 euros chacune, dont la moitié avec sursis.
En sus, il a interdiction de passer le permis de chasse et de détenir une arme pendant trois ans et les scellés ont été confisqués.