Albertville : un professeur de sport soupçonné d’agressions sexuelles au collège

Les agressions sexuelles présumées avaient lieu en cours de sport.
Les agressions sexuelles présumées avaient lieu en cours de sport.

Traits tirés, tête basse et verbe usé, l’enseignant écoute la juge Michelle Raffin exposer les faits. Dans la salle, de nombreux professeurs sont venus le soutenir. Sont venus entendre, comme lui, ces élèves gênées par sa conduite : les mains qui touchent les fesses pour porter ou s’assurer d’un bon gainage, les photos et les films réalisés pour « aider les jeunes à progresser  », ce vestiaire qu’il entrouvre pour presser les filles ou dans lequel il rentre alors qu’elles se changent, ces remarques pas toujours très fines « sur cette grosse poitrine qu’il vaut mieux soutenir avec une brassière ». Ils écoutent la juge reprendre les auditions du prévenu, assurer « qu’il n’a jamais eu aucune intention de porter atteintes aux élèves, qu’il n’a jamais touché les fesses, au mieux les hanches ».

« Ce sont des mensonges »

Le 22 décembre 2020, la gendarmerie perquisitionne son domicile, saisit téléphone et matériel téléphonique. Ils y retrouvent quelques photos de jeunes filles en maillot de bain, rien d’autre, aucunes photos ni vidéos prises au collège. « Que dites-vous de tout ça », interroge la juge ? « Je suis épuisé par cette affaire, je n’ai rien fait, rien à expliquer ». « Vous êtes rentré dans les vestiaires ? » « Je me signale toujours, il m’arrive de venir accélérer le tempo, je me poste à l’entrée, je n’entre pas ». « Vous êtes-vous collé aux filles pour expliquer des exercices ? » « Je me place derrière sans évidemment les toucher. Pour le gainage, il m’arrive de toucher les hanches, les cuisses, jamais les fesses. » « Alors comment expliquez-vous toutes les déclarations faites par les élèves entendues ? « Je ne me les explique pas. Je n’ai rien fait, ma famille et moi sommes épuisés, mon identité professionnelle est effondrée ».

« Je sais ce que j’ai senti »

Et la juge insiste : « Vous niez avoir touché les fesses des jeunes filles pendant les séances d’accro gym, mais pourquoi filles et garçons le prétendent. C’est une maladresse de votre part ou ils mentent ? » « Ce sont des mensonges ».

Trois jeunes filles réitèrent leurs déclarations à la barre : « Je sais ce que j’ai vécu, ce que j’ai senti », déclare l’une. « Il s’est collé derrière moi pour le ping-pong alors que je lui avais dit que je n’en avais pas besoin », ajoute l’autre. « Ce n’est pas dû à une mauvaise interprétation », interroge avec douceur la juge ? « Si on l’interprète comme ça, c’est qu’il y a des raisons ».

« Toute la difficulté du débat, intervient pour 4 des jeunes victimes maître Serneels Serot, c’est que les gestes qu’il a reconnus en audition, il les nie aujourd’hui en s’enfermant dans l’épuisement. Il a pourtant admis des attitudes qu’il qualifie d’éducatives alors qu’elles pouvaient être vécues comme une agression sexuelle. Au lieu de permettre un épanouissement chez les jeunes, elles ont été ressenties avec dégoût. » «  Peut-on parler d’un mensonge, enchaîne maître Chauvin, d’une hallucination collective alors que les témoignages viennent de jeunes qui ne se connaissent pas et sont de classes différentes ? En France, 1 femme sur 3 est victime d’agression sexuelle, 3 agressions sur 1000 se soldent par une condamnation. J’espère que pour une fois on entendra la parole des victimes ».

La procureure Sophie Mauboussin s’emporte « C’est un mensonge ? Le prévenu balaie la procédure, les auditions, l’enquête, le réquisitoire du procureur qui estime qu’il y avait suffisamment d’éléments à charge pour le renvoyer devant le tribunal. Ce ne sont pas les jeunes filles qui ont parlé d’agressions sexuelles mais les gendarmes qui ont qualifié ainsi les gestes. Toutes les victimes disent qu’elles ne savent pas si ces actes étaient normaux, mais reconnaissent qu’ils étaient malaisants, s’interrogent ou se sentent coupables. ». À propos du portable saisi, elle s’étonne d’y trouver des photos où l’on zoome sur des fesses de jeunes filles ou les échancrures de maillots de bain, «  mais aucune vidéo prise en cours, où sont-elles ? »

Elle requiert 8 mois de prison avec sursis probatoire deux ans, obligation de soins, de travail, d’entrer en contact avec les victimes et interdiction d’enseigner la pratique du sport à titre personnel ou professionnel (actuellement, l’enseignant n’a pas repris son travail alors que la justice le lui a permis).

Maître Conille, pour la défense, attaque fort : «  J’ai honte d’être devant vous, honte de ce que j’entends, je ne supporte plus ces histoires de café du commerce où l’on égrène des phrases toutes faites entendues sur des plateaux télé. J’ai honte d’entendre Mme la Procureure avancer des choses fausses. Il y a des victimes en 6e, en 3e, pas dans toutes les classes. On ne peut pas détourner un dossier » Et de s’enflammer : « On ne trouve pas la tablette ? Mais c’est du matériel du collège, c’est là-bas qu’il fallait chercher. C’est inadmissible que personne ne se soit jamais posé la question ! » Après s’être insurgé que l’on détruise la vie personnelle et professionnelle de son client, il entreprend de briser les témoignages : « Un garçon déclare qu’il touche les fesses de toutes les filles et notamment une que le prévenu prend en exemple en escalade. Mais quand on interroge celle-ci, elle assure qu’il ne lui a jamais touché les fesses, qu’il l’a choisi elle juste pour sa maîtrise de la discipline ! »

Le jugement a été mis en délibéré au 31 mars.