Annecy: ils se battent pour sauver le latin au lycée Baudelaire

Mme Bouvier, en rouge, et Mme Michaud, en gris, sont les deux professeures de latin au lycée Baudelaire.
Mme Bouvier, en rouge, et Mme Michaud, en gris, sont les deux professeures de latin au lycée Baudelaire.

«   Si je me bats pour le latin, c’est que j’estime qu’il est indispensable à la connaissance, déclare Sylviane Bouvier, professeure de français et de latin au lycée Baudelaire. On a un public concerné, très intéressé. » En effet, il suffit de quelques secondes devant les grilles du lycée en compagnie de Mme Bouvier pour constater le lien fort qu’elle entretient avec ses élèves latinistes.

Fin janvier, les professeurs apprennent que les options sont menacées au lycée. Finalement, c’est le latin qui doit fermer. « Tout le monde était révolté, c’était le branle-bas de combat, raconte Mme Bouvier. L’année de sa création, la proviseure avait fondé ce lycée sur les options, avec le cinéma, le théâtre, l’histoire des arts… On est reconnus comme le lycée artistique et optionnel dans le bassin annécien, beaucoup de gens viennent pour ça. »

Alors la professeure crée une pétition pour sauver l’option vers mi-février. « Je voulais alerter, mobiliser les gens, explique Mme Bouvier. Plein d’anciens élèves et de parents m’ont répondu, un ancien élève d’il y a dix ans m’a envoyé un message de soutien ce matin. Notre option participe à la vie du lycée. » À l’heure d’écrire ces lignes, la pétition compte 930 signatures en ligne.

La réforme du bac de 2018

La raison pour laquelle cette option est menacée aujourd’hui, c’est la réfome du lycée actée en 2018 et définitivement mise en place pour le baccalauréat 2021. Le rectorat de chaque académie attribue des dotations aux établissements de son territoire, exprimée en heures de cours et qui se traduisent par un financement. Après la réforme, il n’y a plus assez de dotations pour maintenir toutes les options à Baudelaire

« L’idée de Jean-Michel Blanquer [ministre de l’Éducation à l’époque, NDLR] était d’ouvrir le champ des possibles pour concerner l’élève, pour qu’il prenne en main son avenir, se souvient Sylviane Bouvier. Mais petit à petit, on assèche nos classes : au début, on avait des latinistes qui faisaient aussi euro anglais. C’est ensuite devenu interdit de cumuler. Mais souvent, des élèves reviennent en latin quand ils ont un trou dans leur emploi du temps… »

Selon l’enseignante, la réforme crée ainsi des dilemmes trop vite résolus : « En terminale, l’option maths entre en concurrence avec le latin. Quand le cursus exige des maths, on ne peut pas faire l’impasse. Les parents sont montés au créneau et le rectorat a demandé à l’établissement de ne pas placer les maths en même temps que le latin. »

« Retirer la culture aux élèves »

Selon Sylviane Bouvier, les élèves du lycée Baudelaire vivent dans des conditions un peu plus défavorisées que ceux des lycées voisins à Annecy : « Ces gens ont peut-être plus besoin que les autres d’un apport culturel. C’est anormal de retirer l’accès à la culture aux élèves. Certains sont parfois en échec scolaire, on les voit sous un autre jour en option, ça leur permet de s’épanouir. »

Pour les parents également, cette suppression représente une grande perte : « Cela me paraît important de pouvoir proposer les options dans les lycées de secteur. Le cours de latin et vivant et riche culturellement. Cette option latin enseignée à Baudelaire est un réel plus, elle a fait gagner Sébastien en maturité et en autonomie », regrette Marion Chevolod, mère d’un élève.

Une fermeture actée?

Jeudi 9 mars au soir, les professeurs du lycée Baudelaire rencontraient des membres de l’Inspection Académique pour discuter de cette fermeture. « Ils ont été très à l’écoute, raconte Sylviane Bouvier. J’ai demandé si je pouvait avoir un petit espoir, il m’a répondu  : «tout dépend si vous pensez m’avoir convaincu», en souriant... Je pense que la porte n’est pas complètement fermée. Reste à savoir comment ça se passe ensuite au niveau du rectorat. »