Parti dans le vaste monde
Ce père de famille, bohème, bourlingueur épris de liberté, quitte sa vie française et le cocon familial, pour parcourir le monde. Sa fille Kaïtza a alors 4 ans. Elle ne le reverra pas, grandissant dans le manque de ce père quasi inconnu.
C’est Ouest France qui relate cette étrange et émouvante saga familiale.
« Mes parents ont divorcé quand j’avais trois ans. Je vivais avec ma mère. Je suis fille unique. Mon père venait me voir de manière irrégulière, jamais longtemps et toujours entre deux voyages. » « Il a fait mille métiers et adore voyager. Quand il partait, il envoyait rarement des nouvelles et ne donnait pas son adresse. Parfois, il disait dans quel pays il se trouvait ou la ville. Il signait d’un autre prénom que le sien. C’est un vrai personnage… »
L’homme devient l’objet de sa quête, de son espoir de le retrouver un jour, d’en apprendre plus sur lui. À 18 ans, elle s’adresse à la fameuse émission de Jacques Pradel, « Perdu de vue », sur TF1. Elle y découvre là, qu’il se serait rendu, en 1980, au Nicaragua pour donner des cours d’alphabétisation aux familles les plus pauvres. Le dernier signe de vie de son père serait une photo de lui accompagnant une carte de vœu datant de 1981.
Plus aucun signe de vie
Depuis plus aucun signe de vie de la part du voyageur et sa famille suppose qu’il pourrait être mort durant la guerre civile, à cette époque au Nicaragua. « Moi, je n’ai jamais perdu espoir alors que ma tante et mes grands-parents avaient fait leur deuil. Je voulais m’accrocher tant qu’on ne m’avait pas dit quand et où il était décédé », raconte Kaïtza.
Son espoir avec Perdu de vue, d’en apprendre un peu plus sur la vie et l’éventuel décès de son père, est déçu et reste sans suite. Jusqu’en 2021. Au moment de la mort de sa grand-mère à 100 ans et de la succession.
C’est un premier choc quand on lui annonce qu’en 2009, le jugement d’absence de son père avait été annulé. « À la mort de mon grand-père, une rapide enquête avait été menée pour le retrouver. Ce jugement signifiait que personne ne l’avait revu en Europe. » Personne ne l’avait revu, mais il ne pouvait pas être décédé, une demande de passeport avait aussi été réalisée à l’ambassade de France au Costa Rica. « Elle me disait qu’il fallait rester prudentes, car il pouvait s’agir d’une usurpation d’identité. Moi, j’étais sûre que c’était bien lui. Sa demande de passeport remontait à 2009 et nous étions en 2021, il pouvait être mort depuis. »
Et l’espoir qu’il soit encore vivant se confirme
C’est à nouveau un retour de l’ambassade costaricienne, à qui elle avait envoyé un mail, qui va réjouir la Toulonnaise. « Le lendemain, j’ai reçu un appel. On m’a expliqué que c’était bien mon père qui avait fait cette demande de passeport et qu’il était toujours vivant. Mais la personne au téléphone, qui le connaissait, ne savait pas qu’il était porté disparu et qu’il avait une fille. »
Un rebondissement qui va trouver un dénouement en novembre 2022. Par un mail de la même ambassade. Le contact lui annonce, photos à l’appui, que son père a été vu errant dans les rues d’une station balnéaire du pays. « Ce fut le choc. Dans les souvenirs, il était âgé de 35 ans et là je le revois à 78 ans. Mais je le reconnais tout de suite. Je lui ressemble. Il ressemble à mes grands-parents. »
Heureux dénouement
Malgré les difficultés à le localiser chez lui et sa volonté de ne voir personne de sa famille, Kaïtza ne lâche rien et décide de faire le voyage jusqu’au Costa Rica. Là-bas, grâce à l’aide d’une amie de son père et le soutien de l’ambassade, elle le rejoint. « Mon père était là ! Je n’avais pas été prévenue. Je le trouve beau. Je pensais voir un vieil homme, dénutri… mais non ! »
Durant une quinzaine de jours, père et fille vont progressivement renouer. « Il a vécu comme il le voulait toute sa vie, et de manière très égoïste. Il a une vie très simple et très loin de la société de consommation. Mais je ne lui en veux pas. » « Il réalise peu à peu que je suis sa fille. On s’entend bien. On s’apprécie. Il m’a posé une fois des questions sur mes enfants et sur mon travail. »
Kaïtza est depuis rentrée en France, remplie de souvenirs et de photos. Elle l’appelle, lui écrit et elle prévoit de retourner au Costa Rica.