Bellegarde : «La décennie sombre/1», des documents bouleversants

Un livre que nous allons vous présenter en sept fois, pour sept chapitres, à travers le témoignage de ceux qui l’ont réalisé. Chaque chapitre sera évoqué en pied de page par la voix du professeur d’histoire Christophe Vyt, et avec un extrait tiré de l’ouvrage. En page suivante, des photos inédites de la période concernée.

Pour commencer, la parole au « patron » de la commission, Eric Toiseux, collectionneur passionné de photos, cartes postales et documents anciens.

Eric, comment l’aventure de ce livre a-t-elle commencé pour vous ?

A l’origine, une rencontre avec Bruno Allais sur la question de photos datant de la guerre. Il me prête un album contenant 300 photos en vrac, dont des planches-contact de clichés pris par les Allemands que son père développait, discrètement, en double ! J’ai scanné, classé, rendu l’album, et là Bruno m’a dit : « J’en ai encore plein d’autres !  » J’en ai parlé à Dominique Saint-Pierre, qui m’a dit : « Il ne faut pas garder ça en collectionneurs, il faut faire connaître ces photos, les faire circuler !  » Apprenant cela, le maire a donné l’impulsion du groupe Mémoire en 2014.

Quel a été votre rôle dans la réalisation du livre ?

Scanner, classer les photos en fonction des époques, sélectionner les documents les plus pertinents, rédiger des articles, notamment sur la reconstruction des ponts, du barrage de Génissiat, valider les documents finaux…

Ce qui vous a le plus touché ?

La trajectoire des personnes dans cette époque difficile. Sur les clichés des Allemands, on voit leur foyer, leur famille ; ces soldats étaient finalement des hommes comme les autres, qui n’avaient pas demandé d’être là… Certains, comme Willy Perner, sont restés ici après la guerre. Leur vie a été modifiée, comme l’a été celle des Français partis au STO.

J’ai été bouleversé également par des clichés de Françaises contraintes de servir ou d’approcher l’occupant. On voit sur leur visage qu’elles rêvaient d’être ailleurs ! Je ne parle pas de celles qui ont été accusées de « coucher ». Il y a des photos qu’on n’a pas publiées, qu’on ne publiera jamais. Ce n’est pas notre rôle d’exhiber du sordide !

Un livre qui va marquer

« Le livre sortira à la mi-décembre : ce sera une grande fierté, car nous y avons passé des heures et des heures de boulot. Il fera l’objet du cadeau aux anciens de Valserhône, pile au bon moment, car c’est maintenant qu’il fallait le sortir ; plus tard, certains auront malheureusement disparu. On va toucher l’humain, c’est fabuleux. Ce livre va marquer les esprits. Il n’a aucune mesure avec les précédents. On va apprendre aux autres ; après avoir appris des autres !  »

Eric Toiseux

La débâcle de 1940

Christophe Vyt, cheville ouvrière du livre, résume en quelques mots le premier chapitre.

« Le fait marquant de la débâcle de 1940 à Bellegarde, ce sont les multiples sabotages effectués par l’armée française pour retarder l’avancée des Allemands : le pont de Coupy, de Lucey, la passerelle d’Arlod explosent ; idem, le chantier du barrage de Génissiat est dynamité. La guerre devient concrète pour les Bellegardiens.

Conséquence directe pour le quotidien, des habitations sont détruites, il faut reloger des gens. Pire, les voies de communication sont coupées, la vie doit se réorganiser sans les ponts, cruciaux entre Rhône et Valserine.

Autre fait marquant, la fin de la démocratie avec la création de l’Etat Français de Pétain provoque la dissolution de toutes les associations, des conseillers municipaux sont exclus de la gestion de la Ville, c’est le début des années noires et de la pénurie…« 

La destruction du pont de Coupy

Le 19 juin 1940, la Seconde Guerre mondiale vient de s’abattre sur Bellegarde.

Explosions en série

Pour freiner la foudroyante offensive allemande, l’armée française dans sa « débâcle » a fait exploser les ponts de la région : Grésin, Lucey et la passerelle d’Arlod sur le Rhône, celui de Coupy sur la Valserine. Toutefois, la charge utilisée ici est trop élevée.

Trop de dynamite à Coupy

La photo prise depuis Coupy montre l’étendue des dégâts : les maisons alentour sont également détruites et des débris ont été projetés dans une grande partie de la ville.

Les communications sont durablement perturbées au sein de l’agglomération.

Les ouvriers de Coupy doivent utiliser le pont de Lancrans resté intact pour se rendre à leur travail à Bellegarde ou Arlod ; les boutiques de Coupy sont coupées de leur clientèle.

Une passerelle en attendant la reconstruction

Une passerelle métallique fabriquée par les ateliers Marion est installée en janvier 1942.

Elle restera en place toute la guerre.

La reconstruction du quartier de la place Bérard est un des grands chantiers après la Libération ; un nouveau pont de pierres est inauguré en 1947.

Extrait de «La décennie sombre, Bellegarde et sa région 1939-1949».